« Etre » ou « avoir » là est la différence
« C’est une angoissée, on ne peut pas lui confier ce problème. Quant à lui, il est vraiment trop susceptible. Moi c’est vrai, je suis très timide. C’est ainsi, nous sommes faits comme ça, chacun sa nature. » Autant de descriptions que nous réalisons spontanément avec le verbe être, sans autre précision temporelle. Cette forme d’expression pérenne devient la traduction intrinsèque de l’être. Pourtant, elle peut faire obstacle à la fluidité relationnelle, et même générer des conflits intérieurs. Elle actionne en effet un mécanisme limitant en communication, dénommé en médiation professionnelle fatalisme fonctionnel. Ce mode d’expression décrit un état immuable dans la manière de penser ou d’agir. Sans en prendre vraiment conscience, la personne élabore des théories selon lesquelles nous serions comme « déterminés » à être tel que nous sommes décrits par l’autre ou nous-mêmes, sans pouvoir faire autrement.
En y ajoutant des adverbes comme « toujours », « jamais » : « je suis toujours accusé(e) », « il/elle n’est jamais satisfait(e) », la pensée se bloque totalement sur cette description. Nous pouvons d’ailleurs retrouver ce fatalisme fonctionnel en utilisant exclusivement ces adverbes : « je perds toujours face à lui/elle. » Ces énoncés qui façonnent ont des racines plus ou moins profondes, selon notre héritage culturel, nos expériences, nos manières de faire des « constats » et entraînent des conséquences limitantes, des « fatalités ».
En utilisant le verbe « avoir », associé à des adverbes de temporalité objectifs, nous évitons bien des déboires et des perceptions qui généralisent et limitent. « Ce que je vois me fait dire qu’en ce moment elle a probablement des angoisses, comme par exemple lorsque… », « Je remarque quand je décris mes ressentis vis-à-vis de lui, qu’il semblerait en avoir des vexations », « J’ai beaucoup de timidité qui s’exprime en moi lorsque je… ». Ces propos enlèvent tout amalgame entre ce qui est décrit et une identification immuable de la personne. Des ouvertures, des prises de conscience qu’il peut y avoir différents constats et même des changements deviennent alors envisageables…